QUELQUE CHOSE D'AUTRE
O NĚČEM JINÉM
un film de Věra Chytilová
Tchécoslovaquie. 1963. 1H20. N&B.
Deux histoires de femmes sont racontées simultanément.
L'une est gymnaste professionnelle (la championne Olympique Eva Bosáková) et s'entraîne pour les JO. Elle doit faire face à la pression de son entraîneur, son mari, et à un manque de motivation pour continuer.
L'autre est une mère dévouée qui devient progressivement une femme frustrée, par son mari indifférent et son fils intenable qu'elle doit élever toute seule ; elle cherche à tromper son ennui et sa condition dans une liaison adultère.

QUELQUE CHOSE D'AUTRE
Grand prix du festival international de Mannheim-Heidelberg (1963)
Festival de Cannes | 3eme Semaine de la Critique (1964)
Ouverture du FIFF de Créteil (2025)
Sélection FEMA de La Rochelle (2025)
« En 1963, soit un an après la validation de son diplôme, Věra Chytilová tourne son premier long-métrage pour les studios Barrandov, alors les plus importants de la Tchécoslovaquie.Le scénario est déjà écrit, et raconte de manière semi-documentaire la vie romancée de la gymnaste tchèque Eva Bosáková qui vient de disputer ses derniers championnats du monde, à domicile, où elle a été médaillée d’argent.
Insatisfaite du projet d’origine qu’elle trouve plat et dénué de qualités cinématographiques, Chytilová le réécrit en s’attardant sur le quotidien harassant de la gymnaste, des entraînements exigeants à la construction de son image médiatique, dévoilant l’envers du décor de la vie d’une championne, où la passion du sport semble avoir laissé place à une vie de contraintes.
La cinéaste introduit également en miroir le portrait d’un autre personnage, Věra, femme au foyer qui élève son petit garçon, Milda, alors que son mariage bat de l’aile. Enfermée toute la journée dans son rôle qui ne la satisfait pas, Věra rêve de s’échapper.
Chytilová filme ce double-portrait au féminin avec la même esthétique inspirée du cinéma-vérité que l’on retrouve dans ses deux court-métrages précédents.
C’est donc les vies de ces deux femmes, dans leur monotonie parfois triviale qui se déroule devant les yeux des spectateurs, Eva et Věra sont des personnages complexes, qu’il n’est pas toujours possible de saisir, et auxquels la cinéaste offre une exposition tout à fait inédite dans un geste qui anticipe celui de Chantal Akerman dans Jeanne Dielman.
Les séquences d’entraînement d’Eva sont l’occasion pour Chytilová de s’aventurer à nouveau dans la recherche formelle, évitant toujours soigneusement d’exhiber le corps féminin de la gymnaste dans un regard prédateur, pour au contraire saisir le travail en cours et ses exigences.
La dimension politique du film apparaît dans le choix audacieux de mettre en parallèle cette vie sportive, avec celle, tout aussi aliénante de Věra.
Le film trouve ainsi toute sa place dans une histoire du cinéma de femmes et par des femmes qui propose une véritable révolution du regard. Quelque chose d’autre ouvre la voie au jeune cinéma tchécoslovaque en remportant le Grand Prix du Festival de Mannheim en 1963.
Ce sera le début d’une vague qui ne s’arrêtera qu’en 1968, avec l’invasion de Prague par les chars des troupes du Pacte de Varsovie. Chytilová payera le prix fort pour ses films libertaires des années 1960 en étant mise au chômage forcé.Ses trois premiers films ne sont que le début d’une œuvre sans concession qui continue de nous frapper par son humour, son impertinence et son extraordinaire inventivité.
Extrait du dossier de presse rédigé par Garance Fromont.